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Olivier Veran et la “jurisprudence PIF gadget “
Souvenez-vous: en avril 2011, Frédéric Lefebvre, ministre de François Fillon, fier comme Artaban, déclarait à une journaliste, sourire de vainqueur aux lèvres, que son livre préféré était Zadig & Voltaire. Le brillant ministre a quitté la politique depuis pour prendre la direction de la revue PIF gadget. Comme quoi, “ la fortune [faisant] paraître nos vertus et nos vices, comme la lumière fait paraître les objets ” (La Rochefoucauld), on ne doit pas désespérer de comprendre un jour à quoi Dieu nous appelle vraiment.
Une mésaventure comparable vient d’arriver à notre ministre, porte-parole du gouvernement, M. Veran. Souhaitons qu’il s’applique à lui-même la jurisprudence PIF Gadget et ainsi retourne à l’anonymat.
Voici les faits : Une vidéo circule actuellement sur certains médias.
Elle montre le dialogue crispé entre le maire RN de Moissac et M. Veran, lors d’une réunion publique, hier, 15 décembre. M.Véran est accompagné du ministre de la culture, Mme Rima Abdul – Malak. Dispute minuscule, que d’aucuns (des journalistes en mission, sûrement) choisissent de monter en épingle pour fustiger l’intolérance républicaine d’un maire forcément “fasciste”. La banalité du sujet dissimule toutefois une pépite ; et je n’ai trouvé aucun article mentionnant le véritable intérêt de cette vidéo, sûrement par indulgence envers le ministre, peut-être aussi par ignorance. L’épisode est pourtant délicieux. En tendant l’oreille ( vidéo vers 1’40), on peut entendre le ministre qui, après s’être essayé à l’humour devant une salle comble ( une trentaine de personnes, au moins, s’est déplacée, pour accueillir deux ministres de la République, semble-t-il d’après une liste du préfet), franchit le point Godwin (1’30, score honorable). Il accuse, en l’occurrence, son interlocuteur de fascisme ; et sa jactance, malheur à lui, l’incline à citer un intellectuel célèbre : Barthès. On devine, d’après ses explications alambiquées (l’autre dont on prononce mal le nom), qu’il doit s’agir du présentateur de l’émission “Quotidien”, qui lui rendra peut-être bientôt hommage ! Devant une foule qui applaudit à ce haut fait d’arme (un élu RN traité de fasciste), Olivier Véran cherche vite à changer de sujet avant peut-être que certains ne se rendent compte de cette énormité.
Mais décidément quand ça veut pas, ….. ! Il se trouve non seulement qu’il attribue à (Yann) Barthès une citation de (Roland) Barthes, mais en plus de cela, sa citation est inexacte. Pire, il formule un contre-sens magistral. Le porte-parole du gouvernement tance le maire RN en lui assénant que “le fascisme c’est d’empêcher de dire” . Or Roland Barthes affirme au contraire que “ le fascisme ce n’est pas d’empêcher de dire, mais d’obliger à dire”. Une erreur d’attribution, une erreur d’expression et enfin une erreur d’interprétation. Quelle bévue !… mais comme c’est drôle ! Vous savez, la culture c’est comme la confiture, …
Plus sérieusement, le choix de formulation de Roland Barthes est une façon de retourner la banalité contre elle-même. Rien n’est plus plat que de penser la dictature comme une censure. Si c’est pour dire cela, Véran n’a pas besoin d’invoquer la pensée de Barthes, vraiment. Or ce que fait Olivier Véran, c’est justement ce que Barthes nous fait voir en retournant la banalité : l’autocratie moderne est une dictature de la vérité. Le fascisme selon Barthes est d’abord un catéchisme comme par exemple aujourd’hui le républicanisme, le wokisme, le réchauffisme, le covidisme…. Et toute pensée critique est assimilée au complotisme ( There Is No Alternative !!). L’antifascisme est donc un fascisme ; et à son corps défendant, dans sa bêtise, le ministre en apporte la démonstration.
Sans vouloir faire preuve d’une acuité sans emploi, à notre tour, au risque du ridicule comme Olivier Véran, il me semble toutefois qu’il n’est pas absurde de méditer sur une forme de normalisation de la médiocrité, figure de la banalité du mal. Fustigeant un fascisme auquel il ne croit pas vraiment à coup de slogans, de formules stéréotypées et mécaniques, notre ministre contribue à ce que l’on ne puisse plus accéder à une pensée complexe. La seule pensée complexe est celle dont les journalistes ont crédité notre Président ( exemple de pensée complexe : “J’ai très envie d’emmerder les non-vaccinés ! “). Le plus fascinant dans l’histoire, c’est de voir comment l’erreur d’Olivier Véran valide la formule de Roland Barthes, c’est-à-dire comment le faux confirme le vrai. En logique cela s’appelle la loi de Clavius ; en politique on pourrait espérer que cela devienne la “jurisprudence PIF Gadget”, c’est-à- dire le retour justifié à l’anonymat d’hommes minuscules par le fait de leurs fautes.
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